1 800 euros. Voilà la somme qui sépare, depuis des mois, certains éducateurs travaillant côte à côte auprès du même public. Car le Ségur 2, censé réparer les oublis du premier volet, a créé un puzzle où l'équité s'effrite à la ligne de la convention collective ou du statut d'employeur. Tandis que l'élargissement de la revalorisation faisait espérer une reconnaissance attendue, une partie du secteur découvre qu'elle reste sur le quai, ballotée par des règles d'application complexes et des textes à géométrie variable.
Derrière la promesse affichée, la réalité se dessine : chaque secteur applique les mesures à sa manière, avec des dates d'effet et des montants qui varient du tout au tout. Les décrets s'empilent, les accords se succèdent, mais rien n'efface le sentiment d'arbitraire chez ceux qui se voient exclus alors qu'ils exercent, tous les jours, le même métier que leur voisin de bureau.
Ségur 2 : comprendre l'origine et les objectifs des nouvelles mesures
Le Ségur 2 s'aligne dans le prolongement direct du premier accord de 2020, mais il vise bien plus large. Son ambition : refermer les brèches laissées par la première salve de revalorisations salariales dans le secteur sanitaire, social et médico-social. C'est la pression des professionnels, éducateurs, personnels administratifs, agents de terrain, qui a poussé le ministère du travail, de la santé et des solidarités à revoir sa copie, face à l'exclusion persistante de métiers pourtant au cœur de la vie des établissements.
La revalorisation Ségur se matérialise par le complément de traitement indiciaire. Cette somme, ajoutée directement à la rémunération, cible les agents et salariés jusqu'ici oubliés. L'objectif du gouvernement : reconnaître enfin l'engagement des personnels, rendre les métiers du secteur social et médico-social plus attractifs et tenter d'enrayer les départs massifs qui fragilisent les structures.
Pour mieux saisir la portée de cette nouvelle étape, voici les axes majeurs poursuivis :
- élargir la reconnaissance à des professionnels que la première phase avait laissés de côté ;
- réduire les disparités de traitement entre secteur public et privé non lucratif ;
- donner plus de souplesse à la gestion des ressources humaines, afin de fidéliser les équipes.
La filière socio-éducative, souvent restée dans l'ombre lors des précédentes négociations, bénéficie cette fois d'une attention renforcée. Mais tout dépend du financement, orchestré par les pouvoirs publics et les agences régionales de santé, qui conditionne la rapidité avec laquelle les mesures se traduisent, concrètement, sur les feuilles de paie. Pour les professionnels concernés, l'attente est palpable : chacun scrute sa rémunération dans l'espoir d'une reconnaissance à la hauteur de son engagement.
Extension de la prime : qui sont les professionnels désormais concernés ?
Le Ségur 2 élargit nettement le champ des bénéficiaires. Après la frustration générée par la première vague, cette extension cherche à combler les oublis du dispositif initial. La prime Ségur cible désormais des métiers et des structures jusque-là restés à l'écart, en particulier au sein des établissements sociaux et médico-sociaux privés non lucratifs qui n'avaient pas pu bénéficier du complément de traitement indiciaire.
Pour mieux cerner qui peut prétendre à cette revalorisation, le ministère du travail, de la santé et des solidarités a publié une liste détaillée des professionnels éligibles. On y retrouve :
- les personnels éducatifs et sociaux œuvrant dans les établissements et services sociaux ;
- les salariés associatifs accompagnant des publics fragiles, souvent dans des structures de proximité ;
- les équipes des structures médico-sociales : foyers d'accueil médicalisés, maisons d'enfants à caractère social, services d'accompagnement à la vie sociale.
Les agents du secteur public et du secteur privé non lucratif, notamment ceux relevant des conventions collectives 66 ou 51, font également partie des nouveaux bénéficiaires. Cela inclut éducateurs spécialisés, accompagnants éducatifs et sociaux, assistants de service social, moniteurs-éducateurs, infirmiers qui interviennent dans ces structures au quotidien.
Les dates d'application ne sont pas uniformes : la plupart des secteurs voient la prime attribuée rétroactivement au 1er avril 2022, selon les décrets et le rythme de mise en œuvre dans chaque établissement. Difficile, pour les intéressés, de s'y retrouver : certains voient la revalorisation apparaître sur leur bulletin de salaire dès le printemps, d'autres attendent encore la traduction concrète de cette promesse. Ce nouveau périmètre répond, néanmoins, à une ancienne revendication : mettre fin à l'injustice ressentie par les professionnels « oubliés » du Ségur, et leur accorder une reconnaissance financière à la hauteur de leur engagement.
Sécurité de la revalorisation : ce que cela change pour les bénéficiaires au quotidien
L'extension du complément de traitement indiciaire change la donne pour des milliers de professionnels de la filière socio-éducative. Sur le bulletin de salaire, la différence est nette : environ 183 euros de plus chaque mois. Pour un éducateur spécialisé, ce supplément n'est pas anodin : il permet de mieux équilibrer le budget familial, de souffler un peu sur les dépenses du quotidien, parfois même de concrétiser un projet différé faute de moyens.
Mais la prime Ségur va au-delà de la simple question financière. Elle porte un message institutionnel : le travail auprès des publics vulnérables, en établissement social ou médico-social, n'est plus relégué au second plan. Les professionnels, longtemps perçus comme la « variable d'ajustement » du secteur, voient leur rôle enfin reconnu.
Cette reconnaissance, rétroactive à la date fixée par décret, crée de nouvelles perspectives : sentiment de justice partagée, fidélisation des équipes, moindre tentation de quitter la filière pour des horizons mieux rémunérés. Dans les échanges entre collègues, beaucoup évoquent des effets concrets : possibilité de couvrir les frais de carburant, d'inscrire les enfants à une activité, ou simplement d'aborder l'avenir avec un peu moins d'inquiétude.
Le dossier Ségur 2 a aussi un impact collectif : en réparant l'injustice des précédentes vagues de revalorisations, il renforce la cohésion au sein des équipes. Ceux qui se sentaient laissés pour compte peuvent, enfin, envisager une évolution professionnelle sur un pied d'égalité avec leurs collègues déjà bénéficiaires.
Quels impacts pour le secteur médico-social et les établissements ?
L'arrivée de Ségur 2 provoque une onde de choc dans le secteur médico-social. Les établissements et services, qu'ils soient associatifs ou publics, doivent repenser leur organisation et leur équilibre financier. La revalorisation salariale, décidée par les pouvoirs publics, augmente la masse salariale de façon parfois imprévue. Pour des structures déjà sous tension, chaque euro compte : comment continuer à garantir l'accompagnement et le soin sans mettre en péril la viabilité de l'institution ?
La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie (CNSA) et les agences régionales de santé (ARS) se trouvent en première ligne. Leur rôle : organiser la distribution des fonds, contrôler la bonne utilisation des subventions, soutenir les établissements dans cette adaptation rapide à la revalorisation. Plusieurs directeurs d'EHPAD, de foyers d'accueil ou de services spécialisés témoignent d'une inquiétude partagée : sans visibilité sur les délais de versement ni sur les critères d'éligibilité, la planification devient un casse-tête au quotidien.
Pour illustrer les défis auxquels sont confrontés ces établissements, voici quelques points de vigilance soulevés sur le terrain :
- Le financement reste au cœur des préoccupations : chaque dépense doit être justifiée, chaque ressource identifiée.
- Les équipes RH sont mobilisées pour informer et rassurer les salariés tout en anticipant de possibles disparités.
- Le secteur associatif, plus exposé aux incertitudes, surveille de près la qualité de l'accompagnement proposé aux usagers.
Les gestionnaires espèrent que cette nouvelle vague de revalorisations aidera à redorer l'image du secteur et à attirer, ou retenir, les vocations. Mais la prudence domine : sans soutien financier durable, le souffle du Ségur 2 pourrait s'épuiser, laissant sur le carreau ceux qui, jour après jour, font vivre les établissements.


